TURQUIE / BAKUR – Le régime turc a ordonné l’interdiction du parti politique HDP qui est la 3e force politique du pays et la seule formation politique demandant la résolution pacifique de la question kurde. Habitués à la fermeture de leurs partis politiques depuis les années 1990, les Kurdes disent qu’ils reviendront encore plus forts si jamais le HDP devait connaitre le même sort que les anciens partis kurdes de Turquie.
Les journalistes Mireille Court et Chris den Hond étaient à Amed (Diyarbakir) en mars dernier à l’occasion des célébrations du Newroz (Nouvel-an kurde). Ils ont interviewé l’avocat Mehmet Emin Aktar, ancien président du barreau de Diyarbakır et l’actuel défenseur de Gültan Kışanak, Selahattin Demirtaş et Leyla Güven.
Aktar a déclaré qu’après chaque interdiction, ils reviennent plus forts, ajoutant que: « l’objectif principal du bloc au pouvoir est de gagner de nouveau les élections. Mais si on observe la politique de l’État turc envers le parti pro kurde depuis 1990, avec le HEP, jusqu’à aujourd’hui, chaque fois qu’un parti qui défend la question kurde a été interdit, un nouveau parti kurde a été créé et en sortait encore renforcé avec davantage de votes. » (La vidéo de l’interview est publiée ici)
Jusqu’à présent, tous les partis kurdes ont été interdits
La fermeture de partis politiques, en particulier de partis kurdes, est une vieille tradition dans l’histoire de la Turquie. Jusqu’à présent, la Cour constitutionnelle turque a interdit six partis politiques kurdes. Le premier fut le Parti du travail du peuple (HEP) créé le 7 juin 1990. Le HEP a rejoint le Parti social-démocrate (SHP) pour les élections générales de 1991 et obtenu 22 sièges à l’assemblée nationale turque. En juillet 1993, le HEP fut interdit. Ensuite, ce fut le tour du Parti de la Liberté et de la Démocratie (OZDEP) : fondé en mai 1993, il a été interdit le 23 novembre 1993. Le Parti de la démocratie (DEP) lui a succédé. En mars 1994, le Parlement turc a levé l’immunité de six députés du DEP, qui ont ensuite été condamnés à 15 ans de prison pour « terrorisme ». Le 16 juin 1994, la Cour constitutionnelle a interdit le DEP qui fut remplacé par le Parti de la Démocratie du Peuple (HADEP), le 11 mai 1994. Lors des élections locales de 1999, le HADEP a remporté 37 municipalités dans la région kurde, dont sept grandes villes. Pourtant, en mars 2003, la Cour constitutionnelle turque a également interdit le HADEP. Le 9 novembre 2005, a été fondé le Parti pour une Société démocratique (DTP). Ses candidats se sont présentés de manière indépendante aux élections générales de 2007, obtenant 22 sièges au parlement turc. Lors des élections locales de 2009, le DTP a remporté des mairies dans plus de 100 villes et villages de la région kurde. Il fut interdit le 11 décembre 2009.
La fermeture prochaine du HDP sera la suite logique des choses et l’État turc dit ouvertement aux Kurdes qu’ils n’ont pas le droit de faire de la politique, comme ils n’ont pas le droit de parler leur langue, vivre leur culture, s’auto-gouverner. En un mot, ils doivent garder leur statut de colonisés sur leurs propres terres et tant que le Kurdistan sera occupé par la Turquie, la démocratie sera un vain mot pour les Kurdes.
Les autres partis turcs, qui sont tous anti-kurde, ne sont pas à l’abri d’une interdiction non plus. Qu’il s’agisse du CHP kémaliste et même ceux de l’extrême-droite MHP ou IYI, s’ils gênent le parti AKP du Président Erdogan, ils feront face à des demandes d’interdiction et il n’est pas sûr qu’ils aient plus de chance que le HDP.