TURQUIE / BAKUR – Des millions de Kurdes de Turquie se sont mobilisés les 20 et 21 mars à l’occasion du Newroz (nouvel an kurde hérité du Zoroastrisme) pour défier Erdogan, surnommé le Dehak turc à cause de la guerre sanglante qu’il livre aux Kurdes en Turquie mais aussi en Syrie et en Irak.
Hier, le 21 mars, c’était Newroz, la fête du printemps et du renouveau, pour les Kurdes et de nombreux peuples de la Mésopotamie et de l’Asie centrale. Mais, depuis plusieurs décennies, Newroz est devenu le symbole de la lutte contre la tyrannie chez les Kurdes opprimés sur leurs propres terres par des colonisateurs turcs, arabes et perses.
Autrefois, les Kurdes allumaient un feu autour duquel ils dansaient pour avoir vaincu le cruel roi assyrien appelé Dehak (prononcer Déhak). Aujourd’hui, ils allument le feu du Newroz pour défier leurs tyrans des temps modernes dont Erdogan, surnommé le « petit Dehak ».
La majorité des Kurdes, environs 20 millions d’individus, vivent dans les régions kurdes de Turquie. Ils sont privés de tous leurs droits et même leur existence était niée jusqu’à peu. Les régimes turcs successifs ont tous commis toute sorte de crimes de guerre et crimes contre l’humanité dans les régions kurdes pour assimiler ou exterminer les Kurdes depuis plusieurs siècles, même s’il y avait eu d’autres campagnes anti-kurde sous l’empire ottoman. Contrairement aux campagnes ottomanes qui ciblaient les Kurdes yézidis et alévis, des croyances non musulmanes, les campagnes turques du dernier siècle visent l’ensemble des Kurdes en tant que peuple, pour en faire des Turcs sunnites.
Récemment, le régime turc a ordonné la fermeture du Partie démocratique des peuples (HDP), porté par les Kurdes, au prétexte de « terrorisme » car ce parti politique est la seule formation politique qui lutte pour la résolution pacifique de la question kurde en Turquie. Tous les autres partis turcs, le MHP de l’extrême-droite au CHP nationaliste, sont d’accord pour l’oppression des Kurdes, même dans les pays voisins. Ils se rangent derrière Erdogan dans ses conquêtes hasardeuses à l’extérieurs du pays, la haine des kurdes étant bien enracinée chez les Turcs lambda.
Dans sa guerre anti-kurde, la Turquie viole les frontières de ses pays voisins Irak et Syrie où les Kurdes ont obtenu quelques droits et un semblant d’autonomie qui terrifie la Turquie car ces mêmes droits sont dus aux Kurdes du Nord que le petit Dehak opprime depuis des années dans la tradition héritée de son père Ataturk. En effet, la Turquie voit d’un mauvais œil le moindre droit linguistique, culturel ou ethnique obtenu par les Kurdes, où qu’ils soient sur cette planète. Cela rappelle à la Turquie son rôle de colonisateur au Kurdistan qu’elle ne peut justifier. Alors, à défaut de se mettre d’accord avec les dirigeants des pays voisins occupant les autres parties du Kurdistan, la Turquie y envoie son armée pour massacrer les Kurdes. En Syrie, elle a également enrôlé des mercenaires islamistes pour leur faire faire le sale besogne de chasser les Kurdes de leurs terres, comme à Afrin et Serekaniyê notamment.
Lors de ses interventions au Kurdistan d’Irak, la Turquie a visé surtout les régions où le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) est présent. Cela lui a surtout servi de prétexte pour renforcer sa présence militaire dans la région contre l’Iran chiite bien implanté en Irak qui souffre d’un pouvoir bancal défié par la rue. Bien que pris entre la Turquie et l’Iran, les Kurdes d’Irak jouissent d’une autonomie locale et ont donc célébré le Newroz avec la traditionnelle marche aux flambeaux depuis les hauteurs de la ville d’Akrê, sans trop de messages politiques envoyés en direction de leurs ennemis.
A Shengal, les Yézidis étaient également de fête à l’occasion du Newroz alors qu’ils sont toujours menacés par la Turquie et qu’ils n’ont pas pu panser leurs blessures d’après le génocide perpétré par DAECH en août 2014.
Au Rojava, les Kurdes ont pu mettre en place un modèle politique avant gardiste dans un Moyen-Orient que beaucoup imaginent comme étant « ingouvernable » et méritant seulement des régimes dictatoriaux, comme celui de Saddam Hussein jadis. Mais, ils sont menacés et par la Turquie et par le régime syrien soutenu par l’Iran et la Russie car les Kurdes ont eu le soutien de la coalition internationale dans la lutte contre DAECH / ISIS. Ainsi, ils se retrouvent dans une guerre d’influence que se livrent les Etats-Unis et la Russie. Mais ils croient en les jours meilleurs et ont célébré le Newroz avec entrain.
Les Kurdes d’Iran, au Rojhilat, ne sont pas mieux lotis. Le régime sanguinaire des Mollahs les a condamnés à la pauvreté et les tue au moindre révolte mais ils sont abandonnés de tous dans un pays qui n’a pas de pitié même pour sa propre population. Cela ne les a pas empêché d’allumer le feu du Newroz et de danser autour, défiant les Mollahs. On a même vu une femme kurde, dont le fils a été pendu par le régime iranien, danser avec des fleurs à la mains à la tête d’une ronde.
Lors du Newroz 2021, les Kurdes, qu’ils soient en Turquie, en Iran, en Irak ou en Syrie, ont de nouveau défié leurs bourreaux, à commencer par le « petit Déhak turc », car leur demande de vivre libres sur leurs terres ne peut être repousser ad vitam aeternam. Ils finiront par avoir leur liberté en envoyant les petits Dehak dans la poubelle de l’histoire.