Les quatre derniers jours ont été difficiles pour la nation kurde. Rojava, la plus petite partie de la nation malheureuse, a été trahie par leurs alliés et protecteurs américains et par la Turquie. Cette passation de pouvoir permettant à la Turquie de créer une « zone de sécurité » a déclenché une tirade de violences, d’exécutions, de convois de civils bombardés et d’hôpitaux ciblés. Au moins 200 civils sont morts et des centaines d’autres blessés. 200,00 personnes sont également déplacées.
Les médias internationaux, assoiffés par les images du dernier bain de sang régional, ont largement rendu compte des atrocités fièrement documentées par les forces armées turques et leurs groupes djihadistes alliés. L’un de ces groupes djihadistes au sein de la soi-disant armée syrienne libre (ASL), Ahrar al-Sharqiya, a capturé des civils et filmé leurs exécutions. Des djihadistes similaires ont attaqué le camp d’Ain Issa en libérant des terroristes de l’Etat islamique et leurs familles et ont tiré sur les gardes. Les résultats ont été 785 détenus qui sont actuellement en fuite et qui planifient sans aucun doute plus de massacres et de décapitations.
Ce n’est pas une guerre. Ne vous laissez pas berner par les médias ou les dirigeants politiques appelant cela une «guerre». Selon le droit international et la Just War Theory, une guerre est un conflit militaire entre deux États souverains dotés d’un pouvoir et d’une capacité relativement égaux.
Ce qui se passe ici, c’est la deuxième armée de l’OTAN et la dixième puissance militaire mondiale avec 75 millions d’habitants, attaquant une région voisine de 3 millions d’habitants et qui – jusqu’à ce que les États-Unis les aient armés en raison du plaisir mondial suscité par le siège de Kobanê – se battaient contre DAECH avec des AK-47 [Kalachnikov].
Ce n’est pas une guerre. C’est un génocide. C’est un nettoyage ethnique. Ce n’est pas une « guerre » turco-kurde. Il s’agit d’une politique délibérée, planifiée et systématique de changement démographique et d’aspirations néo-ottomanes, associée à de fortes tendances islamo-fascistes. C’est l’une des puissances militaires souveraines les plus puissantes de la région et du monde, attaquant un groupe d’auto-défense de civils qui n’avaient pas d’autres choix à la lumière des attaques sauvages de l’Etat islamique; et à la lumière du silence global alors qu’ils étaient attaqués, décapités et kidnappés par DAECH. La FDS, les YPG et les YPJ ne sont pas financés par leur armée ou leur Etat dont ils sont dépourvus.
Ce n’est pas l’ère du génocide rwandais de 1994, où les Hutu ont massacré leur peuple tutsi voisin à coups de machettes et de gourdins. Ce n’est pas l’ère du génocide arménien de 1915 ou de l’holocauste, où des milliers de personnes ont été emprisonnées dans des camps de la mort (..). C’est une nouvelle ère de génocide: ce nouveau génocide est mené par des groupes de terroristes armés [se battant pour le compte de la Turquie], extrêmement violents, qui commettront la majorité des massacres. Ces massacres se produisent lors d’exécutions, de décapitations, de viols collectifs, de voitures piégées et d’enlèvements. Alors que ces meurtres terrifiants se produisent, les civils qui s’échappent sont bombardés par des mortiers. Les hôpitaux sont également pris pour cibles par l’Etat belligérant turc, de sorte que les civils blessés n’ont aucun soutien médical et se vident de leur sang.
Alors que les hôpitaux sont bombardés, les routes, les écoles, l’électricité et d’autres bâtiments de services le sont également. Les civils en fuite et effrayés savent qu’il n’y a pas de maison où rentrer. S’ils le font, ils feront face qu’à une horde de terroristes qui décapitent violent, dont la plupart se sont installés de manière permanente dans leurs maisons précédentes. Dans le même temps, le régime turc bombarde constamment la nation opprimée et il peut se permettre de le faire indéfiniment afin de changer la démographie de la région. Les civils terrifiés sont déplacés de leurs maisons et la communauté internationale leur fournit des tentes fragiles pour se consoler de n’avoir rien fait pour y répondre. Ce fut le cas lors de l’invasion de 2018 et de l’occupation en cours d’Afrin et c’est exactement l’objectif actuel de l’invasion du Rojava par la Turquie.
Mais ne perdons pas de vue le véritable problème ici. Il s’agit d’un effort du système néolibéral capitaliste pour imposer sa propre forme d’ordre. Un ordre dans lequel une société radicale, démocratique et multiculturelle fondée sur la libération du genre et la durabilité écologique ne peut exister. Un ordre dans lequel les ventes d’armes sont si lucratives que l’humanité meurt comme un enfant qui saigne dans les bras de sa mère sans défense. Un ordre dans lequel les femmes comme Hevrin Khalef ne peuvent pas exister pour pouvoir promouvoir l’unité kurde-arabe et mettre fin à ce que le système considère comme une haine primordiale qu’il utilise pour ses propres intérêts et pour soutenir un marché des armes d’un milliard de dollars.
C’est un système qui ne peut permettre aux femmes de progresser au-delà du personnage de la victime. Un système qui sanctionne les femmes non armées d’être traînées hors de leur voiture et exécutées (…). Un système qui sanctionne les femmes terrifiées par les abus sexuels massifs, les enlèvements et autres violences basées sur le genre. Un système qui punira, jusqu’à l’éradication complète, les tentatives des femmes de se protéger. Un système qui ne leur fournit aucune justice après un conflit, aucune guérison et aucune mesure de réconciliation.
Ne perdons pas de vue la vraie affaire ici. Les génocides ne se produisent pas à l’ancienne. Ils se produisent sur les pelouses verdoyantes de la Maison-Blanche avec des poignées de main. (…) Ils se produisent lors de la construction de méga tours coûteuses dans les capitales des régimes dictatoriaux fascistes. Le silence global n’a cependant pas changé. Un silence et une apathie globaux qui dénoncent une douloureuse absence d’humanité alors même que les réseaux sociaux et les avancées technologiques introduisent le génocide dans nos salons.
Les Kurdes ont bien appris comment le silence international tue et mène directement aux génocides.