TURQUIE – Dans la province de Sakarya, dans l’ouest de la Turquie, un père a été tué le mois dernier et son fils a été grièvement blessé pour avoir dit être kurde. L’Association turque des droits de l’homme a rendu visite à la famille et a préparé un rapport sur l’affaire. Selon le rapport, après avoir entendu parler une langue étrangère, l’agresseur Hikmet Usta, âgé de 51 ans, a demandé à Kadir Sakçı et à son fils âgé de 16 ans s’ils étaient des Syriens. Kadir Sakçı, 43 ans, a déclaré: «Non, nous ne sommes pas syriens, nous sommes kurdes». En les maudissant, l’agresseur a tiré et tué le père et gravement blessé le fils.
Ce n’est pas le seul cas. Chaque année, il y a plusieurs attaques contre des ouvriers agricoles saisonniers kurdes qui se rendent dans d’autres parties de la Turquie. Ces travailleurs kurdes vivent et travaillent dans des conditions très difficiles par ailleurs. Dans de nombreuses villes turques, les travailleurs agricoles saisonniers kurdes sont obligés de vivre sous des tentes à la périphérie de la ville. Ils ne sont pas autorisés à entrer dans les centres-villes. Même vivant à la périphérie de la ville, ces travailleurs kurdes ne sont pas protégés des crimes de haine.
L’année dernière, Perihan Akın, une femme kurde et travailleuse saisonnière à proximité de la ville de Samsun, dans le nord du pays, a été tuée par des racistes turcs lors d’une attaque cotre le camp. Après l’attaque, des travailleurs kurdes ont déclaré aux médias que les racistes avaient désigné leur campement comme «le nid des porcs» et avaient qualifié ces attaques de «chasse aux porcs».
Ces attaques et crimes racistes sont le résultat de discours de haine prononcés par des politiciens turcs et de la politique gouvernementale visant les Kurdes. Le véritable auteur est cette rhétorique haineuse de l’Etat turc. En tant que femme kurde vivant en Turquie, j’ai appris qu’aux yeux de l’État turc, le meilleur Kurde est le Kurde mort!
Le mois dernier, le ministre turc de la Défense, Hulusi Akar, a déclaré que « les forces kurdes syriennes autour de la ville de Manbij seront enterrées dans leurs propres tranchées ». Si les troupes américaines se retirent de Syrie, il n’est pas difficile de présumer de ce qui pourrait se passer dans les zones kurdes de Syrie. Non seulement les Kurdes, mais aussi les chrétiens, les Assyriens, les Yézidis et d’autres minorités seraient forcés de fuir ou d’être tués. Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme, des cellules de l’État islamique (DAESH) ciblent à nouveau les FDS (Forces démocratiques syriennes), principalement kurdes, à l’est de l’Euphrate avec des assassinats.
Tout le monde sait qui combat réellement DAESH : les Kurdes. Et tout le monde sait quels pays ont apporté un soutien direct ou indirect à DAESH Le mois dernier, Ayşenur İnci, membre «très recherchée» de l’Etat islamique, récompensée par une prime de 270 000 dollars, a été libérée en Turquie trois jours après son arrestation. Elle a de nouveau été arrêtée après des critiques dans la presse et les médias sociaux. Il a été rapporté à plusieurs reprises que des membres de l’Etat islamique avaient été soignés dans des hôpitaux turcs. Il est clair que la Turquie n’est pas un partenaire de confiance dans la lutte contre DAESH. En outre, la Turquie a créé un espace d’accueil pour les djihadistes à Afrin en la nettoyant des Kurdes.
Un autre rapport alarmant a été publié récemment par le Early Warning Project, une organisation qui évalue le risque de génocide, de massacres et d’atrocités dans des pays du monde entier. Selon le rapport, la Turquie est le huitième pays du monde où un massacre de masse aura lieu en 2019, un risque plus élevé que le Soudan et la Somalie. Il est évident que l’ethnie qui serait la cible d’assassinats massifs sont les Kurdes.
Soyons honnêtes. Tout en « enterrant les Kurdes dans leurs propres tranchées », comme l’a dit le ministre de la Défense, le même discours va circuler: « Nous ne sommes pas contre les Kurdes, nous sommes uniquement contre le PKK ».
La question est de savoir si le monde permettra la poursuite de cette cruelle kurdophobie.