« Ne partez pas ! »
Comme tous les Kurdes, j’aime la France, je partage son goût pour la liberté, son appétit de justice. Je lui dois beaucoup, à la France. Elle a accueilli, ouvert les bras, amélioré ma connaissance, donné sa chance à ce jeune Kurde Syrien que j’étais, né dans un village d’une grande pauvreté. Aujourd’hui je représente mes frères dans votre pays et je vous appelle au secours. Au sein d’une large coalition, nous nous sommes battus avec force et sagesse en première ligne pour chasser l’état islamique qui avait envahi un immense territoire, grand comme la Suisse, au nord est de la Syrie. Les pertes ont été très lourdes, nous n’avons pas fini d’enterrer nos jeunes martyrs tombés par milliers. Nous nous battons encore à ce jour, avec nos partenaires Arabes, Syriaques et autres, pour déloger les djihadistes de leur dernier bastion.
La France a pleuré, elle aussi, les siens, fauchés par d’épouvantables attentats. Ce combat est le nôtre. Les présidents Hollande et Macron nous ont toujours soutenus et reçus. C’est un secret pour personne, vos forces spéciales sont un appui stratégique indispensable sur le terrain, comme celles des américains.
Après tant d’épreuves, nous espérions vivre en paix, oui, nous espérions….Cette malédiction Kurde qui a fait de nous, si souvent, les oubliés de l’histoire porte aujourd’hui un nom : Erdogan.
Le président turc qui a déjà envahi le territoire syrien, avec une incroyable brutalité en particulier a Afrin, a signé notre arrêt de mort . Il ne s’agit pas de rodomontade. C’est une vraie guerre d’extermination qui se prépare.
Ce 17 Décembre, il se disait « déterminé à se débarrasser des Kurdes, la Turquie ayant perdu assez de temps pour intervenir dans ce marécage ». Les canons turcs ont déjà tonné juste à côté de Kobane, il y a quelques semaines. Le général qui dirigera l’offensive est nommé.
Nous nous battrons, jusqu’au dernier. Nos combattants, et nos combattantes n’ont pas peur de mourir. Ils ont donné plus d’une fois leur sang. Mais ce moment de l’histoire a ceci de particulier, il ne s’agit pas que d’un risque d’invasion mais, je le répète, d’une extermination revendiquée haut et fort par Erdogan.
Je ne vous demande pas de faire la guerre à monsieur Erdogan, ce ne serait pas réaliste. Qu’il me soit permis ici de formuler trois demandes, essentielles à mes yeux. Ne pliez pas devant la brutalité d’Erdogan. C’est un dictateur. Ses prisons débordent d’opposants, de journalistes, de magistrats…
Les militaires américains et français sont notre meilleur rempart. Surtout ne partez pas. C’est vital au sens propre. Enfin, notre armement ne nous permet pas de combattre équitablement. Avec des équipements anti aériens nous aurions sauvé Afrin et évité les massacres, les viols, la déportation préfigurant ce qui risque de nous arriver à grande échelle.
Khaled Issa, représentant du Rojava en France