Un internationaliste catalan parle de son expérience dans la commune du Rojava.
Dans une interview publiée dans La Tinta, Rok Brossa, l’un des internationalistes qui a rejoint la commune internationaliste du Rojava, a parlé à Leandro Albani de son expérience dans la Fédération autonome de la Syrie du Nord.
Brossa est catalan. Son arrière-grand-père était un militant de la branche barcelonaise de la Confédération nationale du travail (CNT) et a été assassiné lorsque les franquistes sont entrés dans la ville pendant la guerre civile espagnole.
La grand-mère de Brass, laissée sans père alors qu’elle n’avait que cinq ans, racontait à son petit-fils le temps où les fascistes bombardaient la ville et où la famille se cachait sous les matelas.
Au téléphone avec Albani, Ross, 28 ans, affirme que «l’une des choses les plus importantes lorsqu’il s’agit de développer une personnalité militante est de se connaître soi-même. Ici, au Rojava, nous travaillons sur ce point : comprendre l’histoire de votre société vous aide à mieux vous connaître. Et cela aide à mieux comprendre la société ».
Brossa est arrivé au Rojava en 2017, pour rejoindre les internationalistes qui travaillent avec des civils et a eu sa grande rencontre avec la guerre à Afrin, sous occupation turque depuis le 20 janvier.
« Quand j’étais à Afrin, sous les bombes fascistes turques, je ne pouvais pas m’empêcher de me souvenir de l’histoire de ma grand-mère et je l’ai beaucoup mieux comprise. La première fois que vous voyez des bombes tomber du ciel, cela vous effraie et vous pensez juste à vous protéger et à protéger les gens près de vous. Mais alors vous apprenez à vivre avec et pensez que si la bombe vous frappe, peu importe ce que vous faites, ça vous tuerait, » a déclaré Brossa.
Rappelant ce qui l’a conduit au Rojava, Brossa déclare : « Je suis venu ici pour des raisons idéologiques. La révolution du Rojava est une rupture dans le système capitaliste et l’hégémonie des États-nations. Elle défie le modèle patriarcal de la société. Je suis donc venu ici pour en apprendre davantage sur le mouvement révolutionnaire qui a contribué à ouvrir cette brèche, à soutenir la révolution en cours et à aider à organiser la solidarité internationale ».
A Barcelone, Brossa faisait partie de Rojava Azadî, un collectif né après la résistance héroïque à Kobanê et quand un espace s’ouvrait pour un travail internationaliste, il n’hésitait pas à s’installer au Rojava. « Les internationalistes – Barcelone sont les bienvenus au Rojava. Nous travaillons à partir de nos expériences pour identifier et résoudre les difficultés que nous avons rencontrées et faciliter ainsi l’intégration des futurs internationalistes. L’essentiel est d’apprendre sur la culture et la société, pas seulement sur le Rojava mais sur tout le Kurdistan et le Moyen-Orient, afin de mieux comprendre les besoins et ce que nous pouvons réellement faire pour aider, » a-t-il déclaré.
Une commune plurinationale
« La commune internationaliste du Rojava a été créée en 2017, en tant qu’espace d’étude, de production et de coordination du travail de solidarité dans le nord de la Syrie. La commune n’a pas de lieu physique puisque ses membres se déplacent à travers le Rojava pour aider les civils mais aussi pour aider à construire les nouveaux outils démocratiques mis en place sur le territoire. La Commune a également ouvert une académie, dans le canton de Cizire, visant à ouvrir un espace où nous pouvons apprendre la langue et la culture mais aussi débattre de notre rôle dans la révolution et de ce que veut dire l’internationalisme de nos jours. En plus d’aider aux différentes tâches au sein de la société, nous avons décidé de nous concentrer sur l’écologie, qui est l’un des piliers du confédéralisme démocratique », a écrit Albani.
L’une des premières campagnes lancées à partir de la Commune a été le « Make Rojava Green Again », pour aider à reboiser le Rojava et reconquérir une agriculture durable.
Le confédéralisme démocratique en pratique
Le Rojava est en quelque sorte la concrétisation du concept de confédéralisme démocratique envisagé par le leader du peuple kurde Abdullah Ocalan.
« La réalisation la plus importante est sans aucun doute l’existence même d’un espace tel que le Rojava. L’autogestion développée sur la base du confédéralisme démocratique dans le nord de la Syrie a permis d’arrêter la violence et la terreur propagées par DAESH tout en développant un processus de révolution sociale. C’est une source d’espoir pour ceux qui rêvent d’un monde meilleur. »
Le succès du modèle du Rojava réside dans la «capacité d’intégrer la société dans la révolution, en construisant le système social sur un modèle de communes populaires plurielles et démocratiques,» dit Brossa.
Quant à ce que le mouvement kurde définit comme une «alliance tactique» avec les États-Unis, Brossa est très clair dans sa réponse et devrait faire en sorte que certains à travers le monde se sentent un peu honteux d’avoir mis de côté les braves Kurdes qui se sont battus (…) contre DAESH non seulement pour se libérer eux-mêmes, mais aussi l’humanité.
« S’il y avait un mouvement internationaliste révolutionnaire capable d’aider la révolution comme cela s’est passé dans l’Etat espagnol avec les brigades internationales en 1936, peut-être que les choses auraient été différentes ».
Afrin a été délibérément visé par Erdogan
Quant à savoir pourquoi l’Etat turc a décidé d’envahir Afrin, Brossa rappelle qu’« Afrin apportait une diversité particulière à l’équilibre diplomatique de la Fédération de la Syrie du Nord, qui améliore les relations avec l’armée syrienne et le gouvernement de Bachar al-Assad ». Cet équilibre était ce que la Turquie voulait rompre.
Brossa termine l’interview en soulignant qu’«après Afrin, la solidarité avec le Rojava entre dans une nouvelle étape et nous, à la Commune, espérons que cette solidarité se traduira par quelque chose de concret venant non seulement d’Europe mais aussi d’autres parties, comme l’Amérique Latine. L’exemple d’Alina Sanchez (Legerîn Ciya) la doctoresse argentine qui a rejoint les YPJ et qui est décédée dans un accident de voiture en se rendant à Hasaka, le 17 mars, a été pour nous tous un bon exemple ».
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